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Description du processus d’élaboration du projet Dès mon jeune âge, j’ai toujours été fasciné par les histoires de la trajectoire de vie des personnes âgées. Au cours de mon expérience de journaliste dans mon pays d’origine, j’ai rédigé plusieurs articles de presse sur les conditions de vie des ainés dans les régions haïtiennes. Par ailleurs, l’idée de faire un projet de maitrise sur les problèmes rencontrés par les ainés à Montréal a véritablement germé dans mon cours « Pratique auprès des personnes âgées » au 1er cycle. Toutefois, c’était un peu flou quant à l’angle à considérer dans le cadre d’un projet de maitrise. Tout a véritablement commencé lors de mon stage de propédeutique réalisé à l’hiver 2011 avec l’organisme communautaire Groupe Harmonie qui intervient auprès des personnes âgées ayant des problèmes de dépendance aux substances psychoactives et de leur entourage. La réalité des ainés toxicomanes vivant à domicile m’a fait prendre conscience de l’ampleur de la souffrance humaine derrière la consommation et de l’impuissance des intervenants. Après ce stage, la réflexion s’est poursuivi à l’université particulièrement dans mes cours « fondements théoriques de la recherche » et « fondements théoriques du service social ». Ces cours m’ont permis de faire une revue de littérature sur le sujet et de rédiger une ébauche de projet clinique sur la problématique des personnes âgées ayant des problèmes de consommation de substances psychoactives. En mai 2012, les premières prises de contact ont été faites avec le milieu de stage CSSS Cœur de l’ile et après des échanges sur les besoins du milieu dans ce domaine, certains documents du CSSS et du SAD m’ont été remis. À l’aide de ces documents, l’ébauche du projet a été bonifiée au cours du séminaire sur le projet de stage donné en été 2012. Il a été complété et approfondi avec le milieu lors de la première partie du stage en automne 2012.
Avant d’entrer en stage, mon ébauche de projet voulait « expérimenter le modèle d’intervention en réseau auprès des usagers du SAD ayant des problèmes de toxicomanie, combattre leur isolement et apporter un appui aux proches aidants ». Pour atteindre ces objectifs, des activités de sensibilisation, de renforcement de liens entre les partenaires concernés par le projet ont été prévues au cours de la session d’automne. Le recrutement des participants devrait être fait au cours de cette même session. Le feed-back sur les premières présentations faites dans le milieu de stage m’a amené à questionner mon projet qui est imprégné d’une vision communautaire, trop théorique et trop axé sur l’approche réseau qui date des années 1980. Les discussions sur la faisabilité d’un tel projet ont été poursuivies dans les rencontres de supervision et ces discussions m’ont entraîné sur des lectures plus pointues comme la politique de maintien à domicile qui balise la pratique du SAD et sur certaines subtilités reliées au public cible du projet non majoritaire au SAD et qui n’est pas trop collaborant avec les services du CSSS. Ces difficultés avec ces usagers traduisent un malaise chez les intervenants du SAD qui ne sont pas suffisamment outillés pour travailler sur la problématique de la toxicomanie. Entre-temps, j’ai continué dans le CSSS à faire mes activités de présentation et de sensibilisation ainsi que les démarches pour initier un partenariat avec le centre Dollar Cormier. Après plusieurs semaines de réflexion, je me suis rendu compte que si j’insistais pour expérimenter le modèle d’intervention en réseau tel qu’il est conçu par les pionniers, je passerais à côté des attentes exprimées dans le milieu. Ainsi, j’ai commencé à envisager les possibilités d’ajuster le projet par rapport aux attentes et à m’intéresser davantage au fonctionnement du SAD. J’ai révisé l’objectif du projet qui s’est désormais concentré à rechercher comment outiller les intervenants du SAD dans une perspective de réseau afin de mieux intervenir auprès des personnes âgées toxicomanes. En accord avec ma superviseure, cet objectif a été réajusté lors de l’évaluation mi-stage. Tout en travaillant dans une perspective de réseau et au lieu de poursuivre trois objectifs (outiller les intervenants, combattre l’isolement des ainés et appuyer les proches aidants), je me suis arrêté sur un objectif plus réalisable qui consiste à « identifier et à expérimenter certaines stratégies d’intervention afin de faciliter l’accès des services du CSSS Cœur-de-l’ile aux personnes âgées ayant des problèmes de consommation afin de les raccrocher, si nécessaire, au programme approprié ». Pour atteindre cet objectif, je me suis approprié et j’ai utilisé des outils d’intervention du SAD (OÉMC et le test de Folstein communément appelé le mini-mental) et administré le questionnaire DEBA. Sachant que certains usagers n’aiment pas aborder leurs problèmes de consommation au premier contact avec les intervenants, l’utilisation des outils du SAD pour faire l’évaluation globale de leur problème crée un lien de confiance qui permet de poser les premières questions en lien avec la consommation. Au cas où l’OÉMC relève des problèmes de consommation, le dépistage est poursuivi avec le DEBA. Pour identifier les stratégies d’intervention, je me suis servi du « Guide d’intervention sur la toxicomanie des ainés » qui propose quatre grandes perspectives d’intervention suivant la reconnaissance ou non du problème de consommation par l’usager. Ces perspectives d’intervention ont été expérimentées dans une logique d’intervention en réseau et ont abouti à des résultats concrets auprès des usagers suivis. Dans cette même logique de réseau, les démarches auprès du CDC ont permis de réunir les responsables du programme 55 ans et plus et ceux du SAD en vue de réfléchir à un éventuel partenariat entre le CDC et le CSSS Cœur-de-l’ile. Pour faire suite à ce chapitre sur le cadre d’analyse et la présentation du projet, la prochaine partie du travail consiste à jeter un regard critique sur l’implantation du projet et des interventions réalisées. CHAPITRE IV : ANALYSE ET RÉFLEXION CRITIQUE Ce chapitre est une analyse critique du projet d’intervention qui a été expérimenté. Il dresse le portrait des participants et des problématiques rencontrées, fait le bilan de l’implantation du projet et des interventions réalisées. Il se termine par une réflexion éthique sur la pratique de SAD auprès des ainés toxicomanes.
Dans le cadre de mon projet d’intervention, le suivi a été initié auprès de quatre (4) personnes qui m’ont été référées. Deux de ces individus ont été rencontrés en co-intervention avec les intervenantes pivots. Or, les dossiers ouverts avec ces personnes n’ont pas abouti à cause du refus de l’aide de la part d’un usager et des complications à la suite d’une chirurgie médicale qui a choqué la famille de l’autre usager. Sous le contrôle de ma superviseure, j’ai pris en charge les deux autres dossiers en menant un suivi individuel auprès de ces personnes, de janvier à avril 2013, à raison d’une rencontre par semaine à domicile. Les lignes qui suivent présentent les deux usagers rencontrés dont les noms ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.
Jacques a 60 ans, et vit seul en appartement depuis environ 15 ans. Sa deuxième femme est décédée depuis environ 10 ans. Il n’a pas de réseau social aidant. Son frère qui l’aide à l’occasion est épuisé et ne s’entend plus avec lui. Il a passé à travers des problèmes de consommation lui aussi, mais arrive à s’en sortir. Jacques a deux fils (16-17 ans) avec qui il n’a aucun contact depuis des années. Selon les diagnostics à son dossier, il souffre de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Il souffre aussi de polynévrite, d’ataxie et présente un syndrome de type Korsakoff. Ce syndrome est un déficit en vitamine B1 plus souvent lié à un alcoolisme chronique et des carences alimentaires qui causent des lésions irréversibles dans certaines régions du cerveau. Il est caractérisé par un oubli massif de la plupart des informations perçues par l’individu après l’installation de la maladie. Dans certains cas, l’oubli porte aussi sur la période qui précède l’atteinte cérébrale. Parmi les difficultés engendrées par le syndrome de type Korsakoff chez l’individu, Debersaques (2006) rapporte la désorientation spatio-temporelle, les fausses reconnaissances, la confabulation, l’ignorance de ses problèmes et les troubles de comportements de type exécutif (l’apathie, l’inertie, etc.). Jacques vit de l’assistance sociale, il est dépressif, dépendant à l’alcool et au tabac. Selon lui, sa consommation remonte vers l’âge de 15 ans. De 2012 à 2013, il a vécu une dizaine d’hospitalisations à cause des problèmes d’intoxication à l’alcool. Ses hospitalisations fréquentes se font généralement après avoir reçu son chèque en début du mois. À la suite de ces hospitalisations, il est référé au SAD pour un suivi psychosocial. Lors de certaines visites à domicile en début du mois, Jacques se retrouve dans un état confusionnel. Il est désorienté dans le temps et a besoin d’être stimulé pour entretenir son appartement, payer ses factures de téléphone et d’Hydro-Québec. Malgré ses difficultés organisationnelles reliées à sa consommation, il s’est montré plus préoccupé par ses problèmes de mémoire que par sa dépendance à d’alcool.
Le dossier de Denise est pris en charge par l’équipe d’évaluation à la suite d’un appel de la sœur du propriétaire qui s’inquiète de son isolement social et de sa vie sédentaire. Denise, 74 ans, est à risque d’éviction et a besoin de soutien du CLSC pour passer à travers ses problèmes de consommation d’alcool. Ne cohabitant plus avec son conjoint depuis 7 ans, elle vit seule dans son appartement qui est accessible par une dizaine de marches d’escalier externe. À cause de ses problèmes de mobilité, Denise ne sort pas à l’extérieur. Elle dépend de son conjoint qui lui rend visite régulièrement pour faire ses courses et lui apporter à manger. Elle a un fils qui vit à l’extérieur du Canada. Lors d’une hospitalisation en 2005, elle reçoit un diagnostic d’AVC central gauche et d’une démence vasculaire. Elle souffre de douleurs arthritiques, de haute tension artérielle (HTA) et de polyneuropathie. Elle est à risque de chute élevée et présente des incapacités au niveau des activités de vie quotidienne et domestique. Par-dessus ces problèmes, Denise est dépendante à l’alcool depuis une vingtaine d’années, plus précisément après le décès de sa sœur jumelle et de sa mère au début des années 1990. Elle a une consommation particulièrement élevée à certains moments de l’année qui correspond à ces dates de décès ou d’anniversaire de sa sœur et de sa mère. Pendant ces périodes, elle peut consommer au moins une bouteille de vin par jour. Plusieurs de ses hospitalisations depuis ces vingt dernières années sont dues à des comas éthyliques. Consciente de ce problème, lors de nos visites à domicile, Denise collabore activement et demande de l’accompagnement pour se sortir de sa dépendance à l’alcool.
L’implantation du projet d’intervention a été marquée au niveau organisationnel, professionnel et sociétal tant par des choses qui l’ont favorisée que par des obstacles. Ces points sont élucidés dans les lignes suivantes.
Au niveau organisationnel, le premier élément qui a fait obstacle à l’implantation du projet est l’incompréhension du stage de la maitrise par le milieu. Les intervenants du SAD sont plus habitués au stage du baccalauréat qui demande à l’étudiant de développer des compétences en intervention alors que le stage de la maitrise vise la formation d’un praticien réflexif par la réalisation et l’analyse d’un projet d’intervention spécifique. L’étudiant est appelé à faire le va-et-vient entre la pratique et la réflexion théorique sur la problématique à la base de son projet. Ainsi, mon projet de stage était pris entre les exigences de l’université et celles du SAD qui est un programme lourd et complexe nécessitant des compétences de base en intervention. L’évaluation mi-stage a permis de clarifier cette incompréhension et de réajuster les objectifs du projet de manière à concilier les critères universitaires et les conditions d’exercice au sein du milieu de stage. Par ailleurs, la distance entre le bureau des stagiaires au 1er étage et ceux des intervenants au 2e étage est un autre élément qui n’a pas facilité la compréhension de la dynamique de travail dans le milieu. Il fallait être curieux et proactif pour faire le va-et-vient entre les étages afin d’observer leur façon de travailler. Au niveau professionnel, le contexte d’optimisation et de changement vécu par les intervenants du CSSS Cœur-de-l’ile a eu un impact sur l’implantation de mon projet. Trop préoccupés par la performance, les intervenants, bien qu’ils se montrent ouverts au projet, ont peu de disponibilité à consacrer à un stagiaire dont la problématique de la dépendance ciblée par son projet ne relève pas de la mission du SAD. Cet obstacle posait un grand défi pour le recrutement. J’ai dû animer plusieurs activités de présentation et de sensibilisation dans le CSSS avant d’obtenir les dossiers qui ont été référés pour la réalisation du projet. Par ailleurs, je n’écarte pas non plus mon manque de connaissance du fonctionnement du réseau public de la santé. Ceci a eu un impact sur la conception du projet et m’a pris un peu plus de temps pour l’ajuster au programme SAD. Mentionnons aussi mon peu d’expérience dans l’utilisation de certains outils tels que le DEBA et l’OEMC. Les premiers contacts avec ces outils n’ont pas facilité le lien avec les usagers. Enfin, le public cible est confronté à une double stigmatisation sur le plan sociétal, ce qui a nui à l’implantation du projet. Il s’agit de l’image sociale de la vieillesse et de la perception de la toxicomanie. Selon une étude dirigée par Lagacé (2010), les représentations sociales du vieillissement dans les sociétés contemporaines sont teintées de préjugés et ouvrent la voie à la marginalisation voire à la discrimination des aînés. D’après cette étude, les aînés sont perçus, entre autres, comme des personnes confuses, lentes, malades, résistantes aux changements et déprimées. Cette perception est fortement présente dans le domaine de la relation d’aide qui, selon Lagacé (2010), est largement dérivée de la culture sociale dans laquelle elle s’inscrit. La perception n’est pas différente pour la toxicomanie chez les ainés. Selon Dibie-Racoupeau et al. (2003), le poids des idées reçues ou des fausses certitudes fait le lit d’une méconnaissance plus ou moins volontaire des problèmes d’alcoolisme des ainés. L'auteur croit que les attitudes sociales reflétées tant par les professionnels de la santé et de l’entourage de l’individu face à ce problème peuvent être de formidables obstacles pour son identification ou sa prise en charge. Le malaise face à la complexité des problèmes de toxicomanie des ainés a été clairement exprimé par certains intervenants du CSSS Cœur-de-l’ile qui croient au pessimisme thérapeutique et avouent que beaucoup d’entre eux fuient ces usagers. De ce fait, certains d’entre eux ont préféré prendre leur distance envers le projet. 4.2.2 Ce qui a favorisé l’implantation du projet Différents éléments ont favorisé l’implantation de mon projet d’intervention au CSSS Cœur-de-l’ile. D’abord, j’ai profité de l’organisation du travail au sein de l’équipe psychosociale du SAD qui est axée sur le travail d’équipe, les échanges et la mise en commun des compétences. Cette façon de travailler crée une prédisposition chez les intervenants qui se sont montrés ouverts pour collaborer sur un projet novateur. De plus, leur patience et leur tolérance quant à l’élaboration de ce projet ont facilité son implantation dans le milieu. Sur le plan professionnel, la disponibilité et l’implication de ma superviseure ont grandement contribué à l’implantation du projet. Elle s’est engagée dans la sensibilisation et la mobilisation de son équipe afin de créer un terrain propice pour que le projet s’implante. Les échanges en supervision ont servi à co-construire le projet et à donner des pistes de solutions aux différents problèmes rencontrés. La documentation suggérée lors de ces échanges m’a donné une meilleure compréhension du fonctionnement du CSSS Cœur-de-l’ile et du SAD en particulier. De plus, la compréhension du fonctionnement du SAD a été renforcée lors des échanges dans les rencontres de « codéveloppement », d’« unisociale » et du comité de dépendance. Ces espaces où se discutent des enjeux reliés à l’intervention, à la prise en charge de la problématique de dépendance dans le CSSS, au fonctionnement du programme SAD, de son budget et des perspectives d’avenir ont permis de recadrer le projet et de bien l’orienter dans le milieu. Au niveau sociétal, je ne peux pas me passer des valeurs et des représentations sociales reliées à la conception de la vieillesse dans ma culture d’origine. Les ainés symbolisent la sagesse et jouent habituellement le rôle de conseiller dans la communauté. Contrairement au Québec, ils sont actifs au sein de la famille et assurent la retransmission des valeurs et des normes sociales aux jeunes. De ce fait, la communauté leur témoigne beaucoup de respect et de sympathie. Par ailleurs, la prise en charge de leurs problèmes de santé est faite par leur famille et les membres de la communauté qui ne la considèrent pas comme un fardeau, mais comme un devoir. Cette vision de la vieillesse a fortement inspiré mon projet d’intervention et a expliqué mon insistance pour l’implanter en dépit des stigmatisations vécues par les personnes âgées toxicomanes dans le réseau de la santé. |
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