Le dépassement de la détermination biologique native et de l’impossibilité égalitaire Que la morale admette les faits scientifiques et les intègre pour se renouveler Le Pape Jean-Paul II, en 1996, a invité les catholiques à « admettre les faits de l’évolution, à prendre au sérieux les théories évolutionnistes, en restant clairvoyant sur leurs possibles conséquences idéologiques ou politiques, philosophiques ou théologiques, et en se refusant à toute forme de réductionnisme qui diminuerait la valeur de la personne humaine ».
Je crois que cette démarche doit être imitée dans notre domaine : que les défenseurs de la justice et de l’égalité sociale, les humanistes, les marxistes, les progressistes, les défenseurs des « opprimés », des « dominés », etc., prennent acte des réalités biologiques, des déterminismes biologiques des capacités cognitives (que l’on ne va cesser de découvrir dans les années à venir) et en tirent les conséquences nécessaires sur le plan des repère éthiques, des perspectives philosophiques et de la vigilance à l’égard des dévoiements idéologiques possibles et des « réductionnismes qui diminueraient la valeur de la personne humaine ».
Voilà, au-delà de mon laborieux travail de thèse, mon souhait le plus cher!
La « justice sociale » La définition rawlsienne de la « justice » établie dans le cadre théorique de la « position originelle » a-t-elle une validité pratique ? Je vois une faille dans la théorie de Rawls : c’est que la « société juste », telle qu’elle est définie dans la « position originelle », est estimée comme juste par tous dans la mesure où cette définition est établie dans le cadre de la « position originelle », qui est un contexte théorique. Mais une fois propulsés dans la société réelle, ces mêmes sujets qui avaient estimé comme « juste » ce qui est maintenant devenu une réalité, conserveront-ils toujours le même point de vue ? Il est fort à parier que les catégories qui se trouvent défavorisées par la « vie », par le hasard, par les inégalités d’origine et de capacités intellectuelles, modifieront leur point sur le degré de « justice » de cette société ; peut-être regretteront-ils ce qu’ils avaient proposé et acquiescé dans la « position originelle », parce que cette position originelle ne fait pas ressentir l’envie ou l’aigreur générées par une situation défavorable. Il y a fort à parier pour que seules les classes favorisées estiment comme effectivement « juste » la société réelle, sur la base de ce qu’ils avaient imaginé dans la « position originelle ».
Il me semble qu’il y a là une limite à la théorie de Rawls, et même, en fait, une impossibilité à établir une société « juste », parce que l’homme est humain, parce que le sentiment de « justice » ou « d’injustice » est lié au ressentiment, à l’affect, et que cet affect échappe au contrôle de la raison.
La « société juste » de John Rawls est élaboré par des hommes « raisonnables », mais les hommes sont des animaux sentimentaux et passionnés, dont la raison est guidée par les affects. Dans ce cas, quel sens cela a-t-il de faire élaborer par des hommes le projet d’une « société juste » dans laquelle ils ne vivent pas encore ?
C’est comme parler de partage de gâteau à des enfants qui n’ont pas encore faim : la question les concerne de façon moins viscérale que lorsqu’ils se trouveront dans la situation réelle de la faim. Et il y a fort à parier pour leur conception de la « justice » soit différente dans chacun des cas : celui où ils n’ont pas faim, et discutent du partage du gâteau de manière théorique, et celui où ils souffrent de la faim et où la notion de « justice » recouvre la nécessité d’avoir la plus grosse part possible du gâteau.
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