Introduction, présentation, justification
Il était important, étant considéré la dimension pluridisciplinaire (et quelque peu sensible) de notre sujet, de collecter un grand nombre de matériaux fiables et référencés parmi diverses disciplines, matériaux toujours relatifs, bien entendu, au sujet de recherche. Par ailleurs, il est difficile pour l’esprit d’un seul homme d’arriver à penser simultanément (pour les connecter) des données appartenant à divers champs. Aussi semblait-il utile de collecter et ordonner tous ces savoirs, de façon à ce que le chercheur mais aussi le lecteur puisse les concevoir avec clarté dans son esprit, avant manipulation en vue d’une réflexion et production synthétique. Enfin, toutes les connaissances utiles à la rédaction d’une thèse ne peuvent pas y être introduites. C’est pourquoi le chercheur doit collecter, sélectionner, hiérarchiser, classer et stocker ces connaissances dans un espace intermédiaire, une sorte de « sas » (de purgatoire ?) entre le monde et le document universitaire final.
Les trois « notes de recherche » ici présentées la première en biologie (ou sciences naturelles), la seconde en histoire et sciences sociales, et la troisième en sociologie de la connaissance et philosophie politique sont le produit de lectures. Ces lectures ont été choisies ; leur contenu a été trié, sélectionné et titré ; les fragments obtenus, enfin, ont été répartis au sein d’une structure thématique, dans laquelle le lecteur (ou le chercheur !) pourra se repérer. Une telle « note de recherche », parce qu’elle est un patchwork de différents fragments choisis de connaissance, ne constitue bien évidement pas ce qu’on appelle un travail « abouti ». Je crois néanmoins qu’elle constitue un outil intellectuel important (sinon indispensable) pour le chercheur, qui peut venir y puiser des références précises (qu’il connaît déjà bien puisqu’il les a au préalables lues, sélectionnées et ‘saisies’1). Ces connaissances et références précises nous semblent indispensables à la rédaction de mémoires de Dea ou d’une thèse de doctorat.
Il nous a paru utile de proposer au jury de Dea l’examen de ces notes de recherche, comme annexes du mémoire. Ces notes constituent l’inventaire (non exhaustif !) des connaissances nécessaires à l’élucidation de la question de recherche. Elles constituent enfin un rôle d’outil intellectuel pour une future thèse de doctorat, qui les verra probablement s’enrichir et s’épaissir encore.
L’examen de ces notes exigerait bien sûr de longues heures de travail. La simple lecture de la table des matières et des titres de fragments, en début de document, permet, nous l’espérons, de se faire une idée déjà relativement précise de leur contenu.
I. Épistémologie et philosophie générale Les courants de la philosophie au xx° siècle : Positivisme logique => Philosophie des sciences
=> Philo. analytique => Philo. de l'esprit
Phénoménologie => Philosophie morale
Ecole de Francfort => Structuralisme et Deconstruction
Positivisme logique (1925-1940) : Appelé parfois "néopositivisme", ou encore "empirisme logique", le positivisme logique désigne le groupe de philosophes et logiciens rassemblés dans les années 30 autour du "Cercle de Vienne". Ils dénoncent la métaphysique spéculative. Pour eux, seul est rigoureux un discours fondé soit sur la raison, soit sur les faits positifs.
Ludwig Josef WITTGENSTEIN (1889-1951), Anglais d'origine autrichienne. Etudiant en mécanique, s'intéresse au problème du fondement des mathématiques. Elève de B. Russell Trinity College de Cambridge. Instituteur, professeur puis titulaire de la chaire de philo. de Cambridge. Influencé par G. FREGE et B. RUSSELL, dont il reprend la doctrine de l'atomisme logique. Définit le monde comme un ensemble de faits, indépendants les uns des autres, dont les liaisons forment la structure logique du monde. La vérité des propositions complexes ne dépend que de la vérité ou de la fausseté des propositions élémentaires, dont elles sont la combinaison logique. Volonté de clarification logique des pensées. La formulation des problèmes philosophiques "repose sur un malentendu de la logique de notre langue". Si "tout ce qui peut être dit peut être dit clairement", "il y a assurément de l'inexprimable". La philosophie consiste non dans l'énoncé de thèses, mais dans l'activité de clarification d'une pensée qui entend se dégager des pièges du langage.
Rudolf CARNAP (1881-1970), Allemand. Elève de FREGE. Représentant du Cercle de Vienne. Emigre aux Etats-Unis. Travaille avec H. NEURATH et Ch. MORRIS. Veut unifier le savoir scientifique par la constitution d'un langage rigoureux, fondé sur la logique formelle, afin d'éliminer les concepts et les problèmes vides de sens.
Philosophie des sciences (1950-1965) : K. POPPER (1902-1994) s'attache a établir la distinction entre la démarche de la science et celle du discours pseudo scientifique. La science n'énonce pas des vérités mais des propositions réfutables. Une pléiade de philosophes des sciences se sont par ailleurs attachés à déceler les logiques implicites du discours scientifique :
T. KUHN (1922-1996)
Gaston BACHELARD (1884-1962), Français. Fonctionnaire aux P&T, étudie les sciences et la philosophie, puis enseigne à l'université de Dijon et à la Sorbonne. La connaissance scientifique ne progresse que par une victoire sur les obstacles épistémologiques (perception immédiate, opinion, résultats considérés comme définitifs), qu'il tenta de déceler, notamment en fondant une "psychanalyse de la raison". La philosophie des sciences est capable d'intégrer les grandes révolutions du savoir et se définit comme un rationnalisme appliqué. Le Nouvel Esprit scientifique, 1934 ; La Formation de l'esprit scientifique, 1938 ; Le Rationnalisme appliqué, 1948 ; Le Matérialisme rationnel, 1953).
P. FEYERABEND (1924-1994)
I. LAKATOS, (1922-1974)
Philosophie analytique (1950-1965) : Héritière à la fois du positivisme logique et de la pensée de Bertrand Russell (1872-1970). Proche de la logique formelle et de la linguistique, la philosophie analytique rejettre la prétention de la philosophie à connaître le monde (ce qui est le rôle de la science). Elle s'intéresse plutôt aux énoncés du langage. L'Ecole anglaise d'Oxford est représentée par :
G. RYLE (1900-1976)
John Langshaw. AUSTIN (1911-1960), Anglais. Représentant de la "philosophie analytique", dite "du langage ordinaire". Examine comment l'usage des mots conditionne l'interprétation des données sensorielles. Quand dire, c'est faire, 1962 ; Le langage de la perception, 1962).
Philosophie de l'esprit (1975-) : Elle est liée à l'essor des sciences cognitives. Les débats s'articulent autour de la question de l'intentionnalité et du rapport cerveau/esprit.
John SEARLE (né en 1932)
Henri PUTNAM (né en 1926)
J. FODOR (né en 1935)
Richard RORTY (né en 1931)
D. DENNET (né en 1942)
Phénoménologie (1925-1940) : Le conscience est un "rapport au monde" défini par "l'intentionnalité", c'est-à-dire par la signification donnée aux êtres, aux situations.
Edmond HUSSERL (1859-1938), Allemand. Etudes scientifiques et notamment mathématiques. Les Recherches logiques, 1900 ; La Philosophie comme science rigoureuse, 1910. Passe d'un réalisme eidétique à un idéalisme transcendental. Spiritualiste, métaphysicien.
Martin HEIDEGGER (1889-1976) propose dans Etre et Temps une réflexion sur la condition de l'homme face au temps et à la mort. Allemand. Spiritualiste, métaphysicien. L'existentialisme est un dérivé de la phénoménologie :
Karl JASPERS (1883-1969), Allemand. Philosophie transcentaliste, spiritualiste et moraliste.
Maurice MERLEAU-PONTY (1908-1961), Français. Tente de décrire le réel. Critique les tendances réifiantes et mécanistes des sciences (biologie, psychologie). Inspiré et proche, pendant un temps, de la pensée marxiste et du PCF.
Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Français. Refus du réalisme naturaliste et mécaniste qui prétend expliquer la conscience par autre chose qu'elle-même. Ecrits abstraits, prolixes et difficiles. A la fois séduit et distant à l'égard du marxisme et du PCF.
Philosophie morale (1975-) : La fin de siècle a vu la réapparition et le redécouverte de la philosophie morale, issue souvent de la tradition phénoménologique.
Wladimir JANKELEVITCH (1903-1985), Français. Métaphysicien.
Emmanuel LEVINAS (1905-1995), Français.
Hans JONAS (1903-1993)
Paul RICOEUR (né en 1913), Français. Chrétien, métaphysicien.
École de Franfort (1930-1945) : Ce courant de pensée développe une "Théorie critique", inspirée du marxisme qui s'attaque à la raison techno-scientifique comme instrument de domination et d'aliénation.
M. HORKHEIMER (1903-1973)
Theodor Wiesengrund ADORNO (1903-1969), Allemand. Ouvrages de musicologie et philosophie de la connaissance.
Herbert MARCUSE (1898-1979), Américain d'origine allemande. Inspiré par la dialectique hégélienne et les découvertes psychanalytiques interprétées à la lumière du marxisme. Pense que la société d'abondance vise à réduire l'individu, à endiguer les forces révolutionnaires, les "éléments explosifs et antisociaux de l'inconscient". Croit à l'avènement d'une société nouvelle non répressive.
Jürgen HABERMAS (1929-) est un héritier de l'école de Francfort.
Structuralisme et Déconstruction (1955-1970) : Le "structuralisme", courant de pensée spécifiquement français, désigne des auteurs comme :
Jacques LACAN (1901-1981), Français. Psychanalyste.
Claude LEVI-STRAUSS (né en 1908), Français. Ethnologue.
ou encore les philosophes :
Michel FOUCAULT (1926-1984), Français. Critique la notion de "science de l'homme".
Louis ALTHUSSER (1918-1990), Français. Marxiste. Aux Etats-Unis, on parle de déconstructionnisme pour désigner Jacques DERRIDA (1930- ; lecteur critique des textes) et les structuralistes français.
Mots-clés : Transcendantalisme (1830-1895) : C'est un courant littéraire et philosophique spécifique aux Etats-Unis, à la fois romantique, spiritualiste, tourné vers la nature et vers la Raison et l'action. William Channing, Ralph Emerson, Henry Thoreau et Henry James en sont les représentants les plus marquants.
Pragmatisme : Courant dominant de la philosophie américaine à la fin du XIX° siècle. Charles Sanders Peirce (1839-1914), William James (1842-1910) et John Dewey (1859-1953) en sont les principales figures fondatrices. Le pragmatisme considère que nos idées, nos croyances, nos savoirs n'ont véritablement d'intérêt que par leur portée pratique et leurs conséquences prévisibles. Richard Rorty (né en 1931) est l'héritier actuellement le plus réputé de ce courant (L'Espoir au lieu du savoir, Albin Michel, 1995). Il a développé un "néopragmatisme" qui retient l'apport des philosophies du langage, et rejoint le courant dit "analytique". Donald Davidson, Hilary Putnam, Stanley Cavell, Nelson Goodman sont également les représentants d'un pragmatisme dit "postanalytique" lié à la philosophie du langage. Le pragmatisme renonce à toutes les formes d'idéalisme, mais n'est en principe pas une philosophie sceptique ou critique.
Philosophie analytique et néopositiviste : C'est un courant philosophique anglo-saxon, dont on fait remonter l'origine aux travaux du logicien Gottlieb Frege (1848-1925). L'approche analytique rejette la prétention à connaître le monde par des méthodes spéculatives et situe la vérité dans la logique des énoncés du langage. Elle se développe en plusieurs temps. Il y a d'abord, en Angleterre, les travaux de Russell et Whitehead (1910) sur le fondement logique des mathématiques. A partir de 1929, elle reçoit l'apport décisif du néo-positivisme du Cercle de Vienne (Wittgenstein, Carnap, Feigl, Schlik, Gödel) qui prétend réduire toute connaissance à deux types de vérités : logique et empirique. Ensuite, après 1950, l'analyse du "langage ordinaire" (Wittgenstein, Strawson, Austin), tourne le dos à la question de la vérité et se concentre sur l'usage qui est fait du langage pour agir. Willard V.O. Quine (né en 1908), professeur à Harvard, a développé une approche analytique critique de la notion de vérité empirique. John Searle (Les Actes de langage, 1972) et Saul Kripke (La Logique des nos propres, 1980) sont des continuateurs de la philosophie du langage ordinaire. Le courant analytique est aujourd'hui divisé sur la question de la vérité et de la rationalité. Tout en gardant des méthodes spécifiques (examen des problèmes a priori, attention portée aux énoncés), certains héritiers du courant analytique se trouvent aujourd'hui plus impliqués dans des recherches sur la nature des phénomènes mentaux que sur la question du langage (D. Davidson, H. Putnam, J. Searle).
Postmodernisme : L'adjectif "postmoderne" a été introduit par Jean-François Lyotard pour désigner l'état dans lequel se trouve la culture après l'abandon des "grands récits" idéologiques (utopies politiques, idéologie du progrès, émancipation du sujet, etc.) qui ambitionnaient de donner un sens global à la vie humaine. La "condition postmoderne" désigne donc un phénomène historique, qui marquerait une rupture par rapport à la "modernité". En tant que courant intellectuel, le postmodernisme caractérise, au départ, une école architecturale, mais le mot est venu à décrire la posture relativiste des penseurs pour lesquels toute connaissance est une interprétation du réel, sans que l'on puisse établir une hiérarchie dans la valeur des interprétations. Le postmodernisme est associé, aux Etats-Unis, à la réactivation des approches critiques du savoir (M. Foucault, G. Deleuze) et au développement de la pratique de la déconstruction du sens (J. Derrida). On range aussi parmi les idées postmodernes l'exigence radicale de traitement égal des cultures, des types de savoir, des jugements esthétiques. Ce n'est un mouvement clairement défini que dans certains domaines comme l'art, l'esthétique, la critique littéraire et l'anthropologie (C. Geertz, J. Clifford)."
Bibliographie du dossier sur la philosophie : DUMMETT Michael, Les Origines de la philosophie analytique, Gallimard, 1992 ;
JACOB Pierre, De Vienne à Cambridge, l'héritage du positivisme logique, Gallimard, rééd. 1996.
|