Thèse pour le Doctorat de sociologie








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Nous procéderons en quatre étapes majeures, deux dont la finalité est en apparence essentiellement théorique, et deux typiquement empirique. Dans une première partie, nous poserons les problèmes liés à la structure sociale : comment nous donner une définition valide de la strate sociale5, comment la distinguer de la classe ? Comment notre définition s’inscrit-elle dans le débat entre Marx et Weber de la classe sociale ? Nous verrons aussi ce en quoi cette définition permet de rouvrir le débat sur « la mort des classes », et ce que sont les implications de cette définition pour la recherche empirique de la stratification dans la société française. La première partie de notre travail montrera combien le questionnement sur la stratification sociale reste un problème neuf, inépuisable, et s’attachera à expliquer ce en quoi la problématique en termes de classes est bien loin d’avoir perdu toute sa pertinence. Si les Trente glorieuses ont été placées sous le signe de la réduction de l’importance des inégalités, notamment économiques, entre des différentes strates de la société, les évolutions sont nettement plus nuancées depuis quinze à vingt ans. Le renforcement des différences entre strates pourrait être propice à la réémergence d’une problématique en termes de classe dans les sociétés contemporaines.

La deuxième partie, quant à elle, retrace la théorie de la cohorte. Notre argument est que, à l’inverse de la question de la stratification et de la classe sociale, la cohorte ne fournit pas une théorie forte de la société. Elle sert en revanche, empiriquement, de notion permettant l’objectivation de changements sociaux à l’œuvre. Dans la mesure où de nombreux processus de changement social consistent en l’émergence de faits sociaux inédits portés par des cohortes nouvelles, appelées tôt ou tard à remplacer leurs aînées, même si ce processus n’est pas exclusif, la notion de cohorte fournit une grille de lecture essentielle. Il en découle le fait que la théorie de la cohorte est plus une question de méthodologie des sciences sociales qu’une pure théorie sociologique. Cette méthodologie sera testée sur un exemple essentiel : la mutation du niveau scolaire par cohorte.

La troisième partie constitue le cœur de notre travail. Elle met en évidence les mutations globales de la structure sociale masculine6, et montre que ces changements ne sont pas répartis uniformément sur toutes les générations, mais portés essentiellement par certaines d’entre elles. Nous y mettrons en évidence les évolutions brusques de la structure sociale, et l’« aspiration vers le haut » (up grading) qu’ont connue les cohortes nées dans les années quarante : doublement de la proportion de cadres, et croissance de moitié de la proportion des professions intermédiaires. Ces changements se fussent-ils prolongés sur quelques décennies, et notre structure sociale contemporaine serait devenue celle d’une société post-moderne intégrale, où les positions sociales correspondant à des postes d’exécution auraient disparu. Tel n’est pas le résultat final, puisque cette « aspiration vers le haut » cesse pour les cohortes nées à partir des années cinquante, qui doivent se contenter au même âge de positions au mieux identiques à celles nées en 1945-1950, conduisant à la mise en évidence d’une « grande transition » de structure connue par les enfants de la Deuxième guerre mondiale et par celles des premières années du baby-boom, puis d’un blocage du changement de la structure sociale des cohortes suivantes au même âge. Ces résultats conduisent à nuancer ou remettre en question bon nombre de commentaires répandus sur les évolutions sociales : si la proportion de cadres continue d’augmenter pour l’ensemble de la population, le fait résulte essentiellement du remplacement des cohortes nées avant 1940 par celles nées après, et non d’une élévation du nombre de cadres à l’embauche, ou en début de cycle de vie (Chapitre III-3, Table T III-3 1), la proportion de cadres à 40 ans étant plus faible pour la cohorte 1955 (en 1995) qu’elle ne l’était pour la cohorte 1945 (en 1985). Le phénomène de transition puis de blocage caractérise semblablement les professions intermédiaires, et les évolutions connues depuis quinze ans peuvent très bien conduire à l’élaboration d’une société où la proportion de cadres et professions intermédiaires aura cessé de croître. Par ailleurs, la proportion des employés s’élève dans les nouvelles cohortes. Plus surprenant encore, la proportion des ouvriers stagne et ne régresse pas, ce qui est une parfaite remise en cause de l’argument sur la « disparition des ouvriers », qui restent en proportion identique au même âge depuis la cohorte née en 1945 jusqu’à celle née en 1965. Nous revenons alors sur la question de l’inflation du diplôme, qui voudrait qu’à mesure que s’élève le niveau de scolarité de la population, la rareté des titres devient moindre et l’exigence des employeurs augmente, annulant pour les nouvelles cohortes l’impact de l’élévation de cette scolarité. Cet argument ne tient guère pour les cohortes nées entre 1938 et 1950, pour lesquelles, à mesure que la scolarité s’est élevée, le niveau scolaire exigé pour parvenir en position de cadre ou de profession intermédiaire a diminué. L’explication pourrait résider dans les variations de la demande des entreprises, intense entre 1965 et 1975, bien faible ensuite, et dont les « jeunes » profitent ou que les « jeunes » subissent avant tout autre.

Evidemment, notre choix de n’analyser essentiellement que la population masculine conduit à « forcer le trait », puisque sur la période, et particulièrement depuis la cohorte 1950, la condition des femmes tend à s’améliorer, même si la situation reste fort loin de la parité (Chauvel, 1997e, pp. 212-214). Il en résulte que, pour la structure sociale globale, hommes et femmes considérés ensemble, les traits sont moins accentués, même s’ils vont dans le même sens. Mais ce choix de se limiter aux hommes s’impose du fait des difficultés de la comparaison des anciennes cohortes féminines, nées dans l’entre-deux guerres, pour lesquelles le taux d’activité à 35 ans dépassait à peine 50 %, et les plus récentes (celle de 1960 par exemple), où le taux d’activité est situé au dessus de 75 %. Y répondre impliquerait la résolution de problèmes tels que ceux-ci : « quelle est la position sociale d’une femme au foyer ? », « quelle est celle d’un homme dont la femme travaille, ou ne travaille pas ? », « comment juger au-delà des individus de la position sociale de cette communauté minimale qu’est le ménage ? ». C’est ici une boîte de Pandore que nous n’ouvrirons que très modestement à l’issue de la partie III-3. L’analyse de l’évolution de la structure sociale féminine est un problème complexe, qui exige des travaux supplémentaires, situés en dehors des objectifs immédiats de la présente recherche, mais dont nous présenterons néanmoins les plus notables évolutions.

En définitive, pour donner sens à ces évolutions, nous pouvons émettre une double hypothèse : les cohortes des années quarante furent en position de force lorsqu’elles arrivèrent sur le marché du travail entre 1965 et 1975, créant une situation de spéculation sur les nouvelles recrues potentielles que les employeurs pouvaient attirer qu’en leur proposant d’emblée une place élevée et de bonnes perspectives de carrière. Les suivantes, en position délicate du fait du chômage de masse qu’elles subissent de plein fouet, doivent limiter leurs exigences, se voient moins attribuer des positions élevées dans les entreprises et se trouvent en position de faiblesse dans la négociation.

La quatrième partie consiste en l’évaluation des conséquences, en termes de salaire, de revenu, et de mobilité sociale, de cette « grande transition » des cohortes des années quarante et suivie d’une « grande stagnation », celle des cohortes nées depuis 1950. L’évolution des salaires est parallèle à celle de la structure sociale et surcode l’effet de transition puis de stagnation : le creux de la rémunération des jeunes — de moins de 40 ans — et la bosse de celle des âgés — ceux de plus de 45 — ne s’explique pas simplement et uniquement par la grande stagnation et la grande transition. Tout se déroule comme si le surcroît de richesse salariale était attribué aux plus de 40 ans de 1993, les cohortes plus récentes ne participant pas à ce partage. Le revenu familial connaît les mêmes évolutions moyennes : les retraités et les actifs âgés — ceux nés avant 1950, qui atteignent 45 ans en 1995 — reçoivent la totalité du surplus de richesse de la nation ; les plus jeunes ne connaissant pas de croissance absolue de leur pouvoir d’achat par unité de consommation. La mobilité sociale, quant à elle, permet une évaluation plus longue de l’élévation de la position sociale des individus au regard de celle de leur père : la cohorte qui connut le maximum de mobilité ascendante et le minimum de mobilité descendante fut celle née dans les années quarante, et les successeurs connaissent progressivement une situation moins favorable. Au final, il apparaît que les enfants nés dans les années soixante-dix, les propres enfants de la cohorte des années quarante, connaîtront selon toute vraisemblance — si nous nous fondons sur deux scénarios, l’un optimiste et l’autre pessimiste — une situation nettement moins enviable : quel que soit le scénario, le résultat serait que la proportion de fils en position inférieure à celle de leur père, encore faible, devrait s’élever, alors que le taux de mobilité ascendante devrait décliner.

L’ensemble de ces conséquences obligent à reconsidérer le lien entre cohorte et structure sociale, mais aussi à prendre acte des conséquences sociales de la fin des Trente glorieuses : après ces trente années de mutations favorables, extrêmement rapides, et d’enrichissement équilibré de l’ensemble de la population, il faut maintenant s’attendre à la prise de conscience de plus en plus aiguë des changements à l’œuvre. La société pourrait alors être appelée à se structurer de nouveau, c’est-à-dire à voire renaître des antagonismes de strates sociales du fait d’échanges intergénérationnels moins favorables à l’ascension sociale, des tensions qui résulteraient de l’affaiblissement des opportunités d’élévation dans la structure sociale des enfants des catégories populaires, alors même que les occasions de déclassement des enfants des catégories aisées se multiplieront.
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