Thèse pour le Doctorat de sociologie








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INTRODUCTION

Pour qu’il se produise des nouveautés dans la vie sociale, il ne suffit pas que des générations nouvelles arrivent à la lumière, il faut encore qu’elles ne soient pas trop fortement entraînées à suivre les errements de leur devancières. Plus l’influence de ces dernières est profonde — et elle est d’autant plus profonde qu’elle dure davantage —, plus il y a d’obstacles aux changements.

Durkheim E., 1930 (1893), De la division du travail social, Paris, Félix Alcan, pp. 279-280.

Par ailleurs, on doit relever que l’objet fondamental de la sociologie, telle qu’on la conçoit le plus généralement, est de formuler les lois suivant lesquelles un état social produit celui qui lui succède.

Keynes J. N., 1890, The Scope and Method of Political Economy, New York, Kelley-Millan, p. 141

La sociologie contemporaine appliquée converge sur ce constat : les conditions d’existence des différentes générations3 divergent aujourd’hui, entre celles nées avant 1950 et celles venues au monde après, notamment pour l’accès au travail, pour le niveau de salaire ou de revenu, de la consommation, du point de vue aussi des modes de vie, de la structure des familles, ou encore du suicide. Le présent travail n’est pas simplement destiné à comprendre les liens logiques et sociologiques qui font l’articulation entre, d’une part, le processus de changement de la structure sociale et, d’autre part, le phénomène de la succession des générations. Il consiste aussi en l’évaluation des conséquences du changement du système de stratification sur les différentes cohortes pour la période récente ainsi que la projection de certaines évolutions pour un avenir proche, à l’horizon du début du siècle prochain. Telle est la démarche que nous nous sommes efforcé de suivre.

Sources du problème


Le problème mis en jeu par la position sociale relativement moins enviable des jeunes dans la période contemporaine est en soi un problème vaste, exigeant une large synthèse de faits épars, mais il offre la possibilité de réaliser un travail devenu nécessaire. C’est à cette tentative de systématisation, venant au terme d’un long repérage de faits et d’hypothèses sur les mutations de la structure sociale contemporaine, que nous avons consacré nos recherches : c’est dans la mesure où ce travail est dans la continuité de certaines de nos publications antérieures que nous préférons ici présenter les sources du problème comme la conséquence d’un cheminement personnel.

Nos premiers travaux, dont la plupart consistaient en l’analyse des valeurs (notamment, Chauvel, 1993, 1995a, 1995c) furent l’occasion de la découverte du processus de « flux générationnel » permanent impliqué par la succession des cohortes : pour l’essentiel, le changement des valeurs de la population française, tout particulièrement pour celles qui portent le plus la marque de la religion catholique — comme la « permissivité sexuelle » et le système des interdits qui régissent les comportements privés —, fonctionne par le remplacement permanent d’anciennes cohortes porteuses du système de valeurs traditionnel par de nouvelles cohortes. Il résultait aussi de ces recherches la mise en évidence de l’importance du « clivage générationnel » entre les valeurs portées par les cohortes nées dans l’avant guerre et celles venues au monde ultérieurement, et de l’homogénéité culturelle de ces dernières, celles du baby-boom (1945-1970), particulièrement repérables du point de vue de leurs positions vis-à-vis de la religion et de l’Eglise. La Deuxième guerre mondiale et ses générations creuses marquent ainsi une rupture nette : entre les générations dont les référents normatifs et les représentations portent la marque de la société traditionnelle et les autres. Toutes ces cohortes du baby-boom semblent ainsi être les « enfants de 1968 », puisque les enfants de la fin des années soixante se trouvent dans la stricte continuité de leurs aînés, nés vingt ans plus tôt, qui luttèrent avec succès contre les interdits de l’Eglise et les lois régissant les comportements privés — nous pensons à la contraception, à l’avortement, au divorce, autant de domaines où les changements furent les plus probants au début des années soixante-dix.

A ce premier constat d’homogénéité culturelle de tous les enfants du baby-boom en succéda un autre, dans une certaine mesure paradoxal : celui de la rupture des situations socio-économiques (notamment, Chauvel, 1996a, 1996b, 1996c, 1997a, 1997c, 1997d, 1997e). Nous parlons ici de l’évidence empirique, sur l’ensemble des années quatre-vingt, de l’amélioration des conditions matérielles et sociales de toutes les générations nées avant 1950 et de la stagnation voire de la régression des suivantes. Derrière l’homogénéité des valeurs des cohortes 1945-1970, se dissimulerait dont un clivage objectif séparant au sein de la « génération du baby-boom » les premières cohortes, nées assez tôt pour saisir les opportunités ouvertes par les Trente glorieuses, et les suivantes. La rupture, là, était entre ceux nés avant 1950 et les autres.

En effet, malgré une élévation continue de l’âge de fin d’études, censée apporter au futur travailleur des atouts essentiels pour trouver un emploi dans des conditions satisfaisantes, la situation objective des cohortes nées après 1950 est bien distincte de celle des cohortes nées dans les années quarante. Les premiers enfants du baby-boom avaient connu un destin social extraordinaire à de nombreux égards, et les autres connaissent une concentration de problèmes sociaux, liés notamment au chômage de masse et à un marché de l’emploi peu favorable, ainsi qu’une stagnation sociale perceptible par de nombreux indicateurs de changement socio-économique qui semblent être la mesure « normale » du changement social : stagnation du salaire, du revenu, du taux de propriété du logement principal, de la motorisation, de la détention de lave-linge, stagnation des pratiques culturelles et des départs en vacances, etc. Qui plus est, la contribution à l’élévation de l’espérance de vie des 30 à 40 ans devient négative, les triagénaires d’aujourd’hui étant caractérisés par une mortalité plus élevée que celle de leurs prédécesseurs au même âge de la fin des années soixante-dix. Pour qui est intéressé par l’analyse des indicateurs de changement social au cours des Trente glorieuses, ce phénomène confine à l’impensable. Après analyse, l’explication du phénomène consiste en l’élévation du taux de suicide aux alentours de la trentaine de près de 50 % depuis 1970, en l’émergence du SIDA et en une élévation de l’incidence des accidents de la route des jeunes depuis 1975. Mais derrière cette explication simple et rassurante se trouve l’objectivation d’une série de comportements dangereux — au-delà du suicide, moindre attention sur la route, comportements insuffisants de protection face à une nouvelle épidémie —, chacune de ces causes de mortalité renvoyant à des choix de vie ou de mort, sinon volontaires et conscients, du moins signalant une dévalorisation de l’existence face à soi-même et aux autres. L’espérance de vie à la naissance de la population continue de croître, mais l’essentiel des gains provient du troisième âge, qui connaît une constante amélioration. Ces constats renvoient à la question de la valorisation et de la dévalorisation des âges de la vie, qui fit l’objet d’un travail sur le suicide par génération (Chauvel, 1997d). Il en résultait non pas l’idée d’une dévalorisation générationnelle mais celle d’une « recomposition du cycle de vie » où la jeunesse vaut maintenant moins, socialement, et la vieillesse plus, au regard de ce qui prévalait dans les années soixante. Telle était notre hypothèse, mais un examen plus approfondi amène à reposer la question de la valeur — objective celle-là — des générations, au travers de la variation des opportunités bénéfiques et maléfiques ouvertes aux différentes cohortes.

A la suite de ce travail sur le suicide, mais aussi — surtout — de la conférence où Baudelot et Gollac (1997) présentèrent leur article sur le salaire des trentenaires, il devint clair que tous ces phénomènes étaient sinon la conséquence, en tous cas accompagnaient une grande transition de la structure sociale intervenue depuis 1970 (Baudelot et Gollac, 1997, graphique X, p. 32), où les nouvelles cohortes recrutées entre 1965 et 1975 connurent et continuent de connaître une position meilleure que leurs aînées, et continuent ainsi de bénéficier du « progrès social », alors que les successeurs nés après 1950 connaissent une situation au mieux égale à celle de leurs prédécesseurs. Il semblait dès lors nécessaire d’évaluer ce lien entre cohorte et strate sociale, et d’en évaluer les conséquences. Il s’agit donc de « naître la bonne année »4.
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