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Université Lumière Lyon 2 Ecole doctorale : Science des sociétés et du droit De l'exotique au politique : la réception de l'acupuncture extrême-orientale dans le système de santé français (XVIIe – XXe siècles) par Ronald GUILLOUX Thèse de doctorat en Science politique sous la direction de Jacques Michel soutenue le 17 novembre 2006 devant un jury composé de : François Dagognet, Professeur émérite (Université Paris I-Sorbonne) Patrick Hassenteufel, Professeur (Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines) Gilles Pollet, Professeur (Institut d'Etudes Politiques de Lyon) Patrick Triadou, Maître de Conférence-Praticien Hospitalier (Université Paris V-René Descartes), Docteur d'Etat – HDR Jacques Michel, Professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon A ma glottetrotteuse… Alea jacta est Remerciements Cette recherche de Doctorat qui s’est développée sur cinq ans a représenté pour moi un parcours initiatique à la Recherche et à l’Enseignement. Le désir de répondre à un questionnement clinique m’a permis de m’enrichir sur les plans professionnel et personnel. Tout ceci n’aurait été possible sans une certaine persévérance, mais aussi sans le travail, la contribution, le soutien de mon entourage professionnel et personnel. Je remercie tout d’abord, mon Directeur de Recherche, Monsieur Le Professeur Bernard DUEZ pour son suivi constant, attentionné et avisé dans l’avancée de ma recherche et ma démarche heuristique, ainsi que pour ses échanges toujours honnêtes qui ont constitués un apport considérable dans la construction de ce travail. Avant-propos La thèse que nous avons l’honneur de présenter a été suscitée par des interrogations, successives ou concomitantes, liées aux différents contextes professionnels dans lesquels nous avons pu travailler, au fil des années et au hasard des circonstances. L’expérience de l’enseignement au collège et au lycée a ainsi fortement motivé notre questionnement initial ; des responsabilités en matière de coordination pédagogique de classes de terminale, nécessitant l’animation d’une équipe d’une trentaine de professeurs, l’ont renforcé. L’implication dans la formation des maîtres du secondaire nous a permis de mieux appréhender certains aspects de leur travail personnel et des modalités de sa mise en oeuvre. Le travail en milieu universitaire et l’apprentissage de la recherche au sein d’un laboratoire, dans la confrontation aux exigences du travail individuel et en équipe, ont donné à notre interrogation un éclairage méthodique nécessaire. La formulation de réponses, toujours provisoires, mais qui balisent utilement un chemin que nous souhaitons continuer à explorer, a ainsi été rendue possible. Liste des abréviations AFA : Association Française d'Acupuncture AFERA : Association Française pour l'Etude des Réflexothérapies et de l'Acupuncture ASFA : Archives de la Société Française d'Acupuncture ASFORMED : ASsociation nationale pour la FORmation MEDicale continue. ASMAF : Association Scientifique des Médecins Acupuncteurs de France AUEC : Attestation Universitaire d'Etudes Complémentaires. BSA : Bulletin de la Société d'Acupuncture EFA : Ecole Française d'Acupuncture FAFORMEC : Fédération des Acupuncteurs pour la Formation Médicale Continue RIA : Revue Internationale d'Acupuncture SA : Société d'Acupuncture SAA : Société Aquitaine d'Acupuncture SFA : Société Française d'acupuncture SIA : Société Internationale d'Acupuncture SMA : Société Méditerranéenne d'Acupuncture SMAF : Syndicat Médical des Acupuncteurs de France SML : Syndicat des Médecins Libéraux SNMAF : Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France Usmf : Union Syndicale des Médecins de France WFAS : World Federation of Acupuncture Societies WFNAS : World Federation of National Acupuncture WUASS : World Union of Acupuncture scientists and Societies Introduction. Le contexte : médecine moderne et médecines parallèles En France, la définition des médecines dites parallèles ne pose apparemment aucun problème : sont désignées comme médecines parallèles les thérapeutiques non reconnues par la médecine officielle. Car si ces thérapeutiques prétendent aussi guérir, elles n'ont pas fait la preuve de leur scientificité, comme le soutient le Conseil de l'Ordre1 : Voilà deux positions bien distinctes : celle des officiels pour qui la médecine n'a de valeur que si elle passe avec succès les tests expérimentaux ; celle des parallèles qui dénoncent le matérialisme réductionniste de la médecine officielle d'où découle son impuissance, pour rappeler la médecine à ses valeurs humaines. Donc d'un côté une conception de la médecine qui se veut "scientifique" et de l'autre une conception prétendument "philosophique". L'opposition est connue. D'une part, une médecine officielle qui fait l'éloge de sa puissance : ses connaissances anatomo-physiologiques, sans cesse précisées par un arsenal technologique hypersophistiqué, lui donnant cette capacité d'agir jusqu'au désordre moléculaire. D'autre part, les médecines parallèles qui dénoncent le biologisme de la médecine moderne : réduction du soin à la médication, négligence des effets iatrogènes, réduction du malade à la maladie ; la relation thérapeutique2 rompue, le médecin généraliste devient alors un simple prescripteur de médicaments, et le spécialiste, le technicien d'un département organique. Mais alors, la définition du parallélisme médical se complique. Car si au départ, on a cru comprendre qu'il s'agissait d'un parallélisme institutionnel né d'un manque de scientificité, on voit à présent que les partisans des médecines parallèles prônent de leur côté une sorte de parallélisme philosophique selon lequel la médecine doit revoir sa conception étroite de l'homme, du corps et de la maladie. De fait, le parallélisme médical n'est plus cette seule condamnation scientifique prononcée par la médecine officielle, mais aussi une revendication philosophique des médecines parallèles elles-mêmes. Donc loin d'être fondé sur un critère unique, le parallélisme médical flotte entre deux dimensions irréductibles. Première partie. Du texte à l'aiguille : le procès de l'acupuncture (fin xviie– début xixe siècles) La plupart des études historiques situent la découverte de l'acupuncture en Europe au XVIIe siècle, en insistant notamment sur le rôle des missionnaires jésuites. Toutefois, elles s’accordent pour désigner George Soulié de Morant (1878-1955) comme le père de la véritable acupuncture en France1. D’ailleurs, ce dernier le renvendique, en allant même plus loin [nous soulignons]2 : Selon Soulié de Morant, il faudrait distinguer deux périodes de l'acupuncture en France dont il constituerait lui-même le point de rupture. Avant lui, une première introduction en Europe par les descriptions des jésuites, mais sans intégration. Avec lui, vers la fin des années 1920, l'introduction de la "vraie acuponcture chinoise" dont l'intégration est en cours. Comment expliquer l'échec de la première introduction, et le succès de la seconde ? Soulié de Morant accuse le dogmatisme de l'esprit humain d'empêcher toute modification des positions mentales et matérielles. Chapitre I. Observer, décrire, juger (fin XVIIe– XVIIIe siècles) La lecture attentive des textes nous montre par quelles voies les premières observations sur la médecine chinoise – et l'acupuncture en particulier – vont gagner l'Europe (I. Deux voies de découverte). Mais l'analyse de ces observations révèlera qu'il y a bien loin de la chose au mot (II. Le discours sur la médecine chinoise). I. Deux voies de découverte Les deux voies par lesquelles l'Europe découvre l'acupuncture sont celles par lesquelles les pays d'Europe – dans les conflits qui les opposaient – ont cherché à étendre leur puissance hors du continent. Ces deux voies politiques, tracées par le courant des grandes découvertes maritimes depuis le XVe siècle, sont l'évangélisation et le commerce. 1. La politique de l'Evangile : les missionnaires de la Compagnie de Jésus Contrairement à ce qui se répète habituellement depuis Soulié de Morant, nous verrons que l'acupuncture est à peine mentionnée par les missionnaires jésuites. Toutefois, leurs descriptions présentent un intérêt majeur : celui du premier regard posé par l'Occident sur le savoir médical chinois. A. La Mission française de la Compagnie de Jésus La Compagnie de Jésus fût fondée à Paris en 1540 par le religieux espagnol Ignace de Loyola (1491-1556), avec sept compagnons3. Une des vocations des jésuites était de se rendre "aux frontières de la chrétienté, et ils sont effectivement allés aux confins maritimes du monde, suivant de peu les navigateurs"4. C'est surtout à l'initiative du P. Ricci (1552-1610), mathématicien et astronome, que l'implantation des missionnaires européens avait pu se faire. "Au cours de son long séjour, il avait fixé pour les siècles à venir les orientations fondamentales de la Mission : une politique aristocratique, un haut niveau scientifique, une adaptation aux mœurs locales"1. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, seule la Mission portugaise, d'ailleurs assez cosmopolite, était installée à Pékin. La Mission française ne vit le jour qu'en 1684, à l'initiative de Colbert, et par le financement personnel de Louis XIV ; elle se développera de façon fulgurante durant la première moitié du XVIIIe siècle. Si l'enseignement et la recherche scientifiques (mathématiques, astronomie, géographie) constituaient la raison officielle de la Mission, ils ne recouvraient pas les mêmes intentions. Dans l'arrière-pensée du pouvoir, le déclin portugais permettait à la fois de "développer les relations commerciales de la France avec l'Extrême-Orient"2, et de satisfaire ses ambitions coloniales3. Quant aux savants jésuites, ils avaient un rôle de "médiation culturelle"4, diffusant autant les sciences et techniques européennes à la Cour de Pékin qu'ils rapportaient leurs observations des sciences et techniques chinoises à Paris. Mais la science européenne était surtout le moyen de rendre gloire à Dieu5, c'est-à-dire d'évangéliser la Chine. Ce qui, en contrepartie, exigeait une connaissance approfondie du pays : ainsi, Ignace de Loyola "exigeait de ses missionnaires des rapports précis, détaillés, sur les régions qu'ils allaient évangéliser. Pour prendre ses décisions en connaissance de cause, il tenait à être renseigné non seulement sur la géographie, mais sur les mœurs et les coutumes locales"6. Il était donc inévitable que les jésuites se soient intéressés à la médecine du pays. B. Aperçu des écrits sur la médecine des Chinois Les premières observations publiées au XVIIe siècle par les Pères espagnol Don Francisco de Herrera Maldonado, français Alexandre De Rhodes (1591-1660) et allemand Athanasius Kircher (1602-1680) font partie, comme le montrent leurs titres, de grandes fresques sur la Chine : Nouvelle histoire de la Chine7, Divers voyages et missions du P. Alexandre De Rhodes en la Chine, et autres Royaumes de l'Orient, avec son retour en Europe par la Perse et l'Arménie8, La Chine illustrée de plusieurs monuments tant sacrés que profanes et de quantité de recherches de la nature et de l'art9. Viennent ensuite, à la fin du siècle, les monographies sur la médecine, dont les principales sont : un texte anonyme intitulé Les secrets de la médecine des Chinois1 (Grenoble, 1671) ; le Specimen2 d'Andrea Cleyer (1615-1690) ; et la Clavis medica ad chinarum doctrinam de pulsibus3 (Nuremberg, 1686) du Père polonais Michel Boym (1612-1659). C. Que fournissent ces écrits ? a. Un aperçu de l'enseignement médical Selon le P. de Rhodes, "il n'y a point d'Université où l'on apprenne la Médecine, mais c'est une science qui s'enseigne de père en fils, ils ont des livres particuliers, qui ne sortent jamais de familles où sont les secrets de l'art, qu'ils ne communiquent à personne"4. Dans le même sens, pour l'auteur anonyme des Secrets, "aucun Chinois ne peut nier : qu'il n'y a eu ni docteur, ni maître, ni école de médecine dans la Chine jusqu'à présent ; que de tous les livres de leur médecine il n'y en eut aucun qui ait été écrit par un maître ou docteur en médecine qui donne précepte ou règle de bien opérer"5. En réalité, il existe bien un enseignement officiel au "Collège médical de la cour (dit aussi Collège impérial ou Académie Impériale de médecine)"6, chargé d'organiser la formation et la pratique des trente médecins de la Cour, selon le principe du mandarinat et du commentaire des Classiques. Mais depuis la dynastie des Ming (1366-1644), ce système est en déclin par rapport aux dynasties précédentes des Tang (618-907), Song (960-1279), et Yuan (1279-1368). D'où la remarque du P. Du Halde, faite au début de la dynastie des Qing (1644-1911) : "Il y avait autrefois des Ecoles Impériales de Médecine. Les médecins qui sont maintenant les plus estimés, sont ceux qui ont reçu de père en fils les connaissances qu'ils ont"7. b. Une critique du savoir médical chinois Parallèlement à l'absence d'un enseignement universitaire, les jésuites critiquent la faiblesse du savoir médical. L'auteur anonyme note deux lacunes fondamentales : d'une part le fait qu'aucun ouvrage n'étant "fondé en principe de physique ou discours naturels"1, ils ne peuvent exposer que des "dires" contradictoires ; d'autre part leur "méconnaissance de l'anatomie"2. On retrouve cette observation soixante-six ans plus tard, de manière encore plus explicite dans la Description du P. Du Halde3 : Mais comme ils avaient peu de connaissance de la Physique ; que nullement versés dans l'Anatomie, ils ne connaissaient guère l'usage des parties du Corps humain, ni par conséquent les causes des maladies, et que leur science ne roulait que sur un système peu sûr de la structure du Corps humain4 La critique s'accompagne d'un exposé de la doctrine médicale chinoise. A l'intérieur du corps humain, il existe "deux principes naturels de la vie" : le Yn5 et le Yang, respectivement traduits par humide radical et chaleur vitale, qui se trouvent dans les parties principales du corps. Ce corps connaît trois divisions : latérale (gauche/droite), verticale (haut, moyen, bas)6, et organique. Les organes, qui entretiennent "certains rapports mutuels" se répartissent en six membres où réside le Yn (le cœur, le foie, les deux reins, les poumons, la rate) et six entrailles où réside le Yang (les petits intestins ou le péricarde, la bourse du fiel, les uretères, les grands intestins, l'estomac et la troisième partie du corps). Les sanglots longs Des violons De l'automne Blessent mon coeur D'une langueur Monotone Tout suffocant Et blême, quand Sonne l'heure Je me souviens Des jours anciens Et je pleure ; Les Chinois connaissent aussi les nerfs, les muscles, les veines, et les artères. Mais la circulation du Yn et du Yang se fait par les douze voies ou canaux (king1) qui traversent le corps. "Après cette connaissance de la construction du corps de l'homme, laquelle est selon l'Ancienne anatomie des Chinois, et qui, comme l'on voit, n'est pas trop exacte ; ils veulent que l'on passe à la connaissance des corps extérieurs, qui peuvent altérer le corps de l'homme" en même temps qu'ils le composent. Ce sont les cinq éléments : la Terre, les Métaux, l'Eau, l'Air2 et le Feu. Deux autres ouvrages exposent cette doctrine. Le Specimen publié par Cleyer donne un aperçu illustré des voies, de certains points et de la circulation du k'i3. De son côté, "le texte de Clavis medica [du P. Boym] est divisé en 17 chapitres dans lesquels on expose d'une façon assez claire et systématique la théorie des principes polaires (yang et yin), les fondements de la pathologie chinoise, la doctrine des centres vitaux et des vaisseaux du corps humain, la technique de l'examen du pouls, les bases théoriques de la sphygmologie chinoise et les conséquences pour le diagnostic et le pronostic"4 On comprend donc pourquoi dans une de ses lettres, le P. d'Entrecolles écrit que le "langage affecté et mystérieux n'est pas aisé à entendre au commun des Chinois"5 si bien qu'on ne sait "par quelle sorte de chimie ils ont acquis une grande partie de ces connaissances". Ainsi du P. Parrenin6 qui, entendant "parler les médecins chinois sur les principes des maladies, […] ne trouve pas beaucoup de justesse ni de solidité dans leurs raisonnements". La bibliographie ci-dessous offre deux types de recherches : *une recherche thématique qui donne accès à : -la Classification alphabétique par auteurs regroupant toutes les références bibliographiques consultées ou citées. -la liste des Classiques de médecine chinoise cités. -la liste des Textes juridiques cités ou consultés. -la liste des Sites internet consultés. *une recherche chronologique (XVIIe -XVIIIe, XIXe, XXe siècle) qui donne accès: -aux sources consultées : ouvrages, revues, dictionnaires -aux outils d'analyse utilisés : ouvrage, revues, dictionnaires, articles disponibles sur internet c. Une description de certaines pratiques La faiblesse des institutions et du savoir n'empêche pourtant pas nos missionnaires de fournir des descriptions minutieuses d'un grand nombre de pratiques médicales : l'usage des simples, comme le gingseng7, l'inoculation de la petite vérole8, les postures et techniques respiratoires issues du Cong-Fou des bonzes Tao-see1. Une place particulière est réservée à la prise des pouls qui suscite, de loin, le plus d'intérêt. On le voit dès les premières observations des missionnaires2 : Cherchant à répondre à toutes ces questions, nous allons partir d’une hypothèse : le roman de Terrasse à Rome de Pascal Quignard n’est pas un seul livre, mais c’est plutôt l’assemblage de quatre textes différents. Nous allons imaginer qu’il regroupe : 1. L’autobiographie de Meaume le graveur. 2. L’histoire de Meaume, racontée par un narrateur hétérodiégétique. 3. Les livres des biographes et des témoins : a. biographies ; b. témoignages. 4. Le livre d’un essayiste qui possède tous les documents précédents et qui veut écrire un essai sur l’histoire de la gravure à la manière de l’eau forte au XVIIe siècle. d. A l'attention de l'Europe On peut donc dire que toutes les descriptions précédentes proviennent d'un intérêt pratique suscité par le constat d'une efficacité, elle-même sanctionnée par la croyance de l'importance d'une tradition antique. Intérêt d'ailleurs confirmé par leur expérience personnelle, puisque les jésuites, pendant leur long séjour, ont bien eu l'occasion de tomber malade et de recourir à la médecine du pays. Le P. de Rhodes fit non seulement soigner un de ses compagnons, mais raconte comment lui-même fut guéri d'une forte fièvre3 : Tableau 1 : Etude du signifiant de l’identité du stand du Cameroun au SMT 2006.
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