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Synthèse du Rapport sur
les nanotechnologies et l’agroalimentaire –
Les Amis de la Terre, avril 2008
http://www.foe.org/pdf/nano_food.pdf
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I Une courte introduction aux nanotechnologies
Il faut tout d’abord distinguer nanoparticules contingentes et manufacturées :
les 1eres sont des produits dérivés de procédés naturels (éruptions volcaniques, feu de forêt, ...) ou industriels (haute température industrielle, pollution due au trafic,...) ;
les 2des sont produites délibérément : ce sont des nanoparticules, dans lesquelles ont été ajoutées des structures créées grâce à des nanotechnologies, tels des nanotubes, nanofils,...
Les nanotechnologies ne sont pas une technologie spécifique : elles comprennent plutôt une large gamme de technologies travaillée à nano-échelle (=1 billion d’1 m.) On peut donc les appliquer sur tous les champs de la vie sociale et économique.
L’application des nanotechnologies aux biotechnologies ne veut pas seulement dire manipulation génétique de l’animal, des plantes, des hommes : c’est aussi incorporer des matériaux synthétiques dans les structures biologiques. On parle de « biologie synthétique » : c’est un nouveau type de recherche qui a pour but de produire des génomes plus performants que ceux qui sont naturellement produits.1
Les nanomatériaux ont une gigantesque diversité de comportements et de propriétés : des nanomatériaux de même composition, mais de forme ou taille différentes peuvent avoir des réactions et une toxicité différentes. Il est donc difficile de s’accorder sur des réglementations générales quant à leurs risques environnementaux et sanitaires.
II Nanotechnologies et agroalimentaire
« Nourriture nanos » = produit cultivé, produit et/ou emballé avec des techniques ou outils issus de nanotechnologies. Par exemple, on peut concevoir des ingrédients ou additifs (vitamines,...) nano-encapsulés, que l’on va incorporer aux aliments ou emballages.
Sur le marché mondial actuel, on compte 150 à 600 nano-produits alimentaires,
et 400 à 500 emballages contenant des nanoparticules.
En 2010, il est estimé que la vente de nanofood représentera 6 billions de $.
Les nouvelles opportunités offertes à l’agroalimentaire :
de nouveaux additifs nutritionnels : ils vont notamment permettre à certains produits (boissons sucrées, glaces, chocolat, chips,...) d’être vendus comme des « produits sains ». On va, en effet, pouvoir modifier de façon artificielle les teneurs en graisses, calories, protéines, fibres ou vitamines. Des huiles de colza permettent déjà de réduire l’apport de cholestérol dans le sang, et des milkshake au chocolat sont plus savoureux et ont des qualités nutritionnelles optimisées.
Des nano-enrobages dits comestibles ont aussi été imaginées : invisibles à l’œil humain, on les trouve dans les viandes, les fruits et légumes, les fromages, les produits boulangers industriels, les fast food,... Ils sont des barrières aux moisissures, véhiculent des couleurs, goûts, antioxydants plus forts, et accroissent la durée de vie sur les rayons. (recherches fortes sur les pots de ketchup, mayo, dentifrices,... au nom de la fin du gâchis). Ces emballages posent question sur leur recyclage...
Des goûts et des couleurs plus forts ; mais aussi adaptés aux goûts, besoins, et allergies de chacun (gros budget de recherches chez Nestlé et Kraft).
Des ingrédients anti-bactéries dans les emballages : ils vont pouvoir détecter les bactéries présentes dans le produit, les pertes de nutriments, et de là, s’incorporer automatiquement dans le produit des nanoparticules pour « rénover » le produit. L’augmentation de durée de vie des produits sur les rayons sera assurée !
Une plus grande puissance des engrais, pesticides et herbicides.
Aucune loi ne requiert une labellisation qui indiquerait quels produits ont utilisés des nanomatériaux dans leurs processus de production et/ou de conditionnement. Nous n’avons donc aucun moyen de choisir de manger sans nanos.
Les nanoparticules les plus utilisées dans l’agroalimentaire sont celles d’argent ; de dioxyde de titane ; de zinc. (cf. tableau)
III Nanotechnologies et agriculture
Au lieu d’accroître les moyens pour une agriculture plus durable, les nanotechnologies introduisent une nouvelle gamme de pesticides potentiellement plus fertilisants... mais surtout plus toxiques pour les terres et les plantes. On va désormais pouvoir mettre en terre des ingrédients nano-encapsulés, voués à ne s’ouvrir que sous certaines conditions (soleil, chaleur,...).
La manipulation génétique
Les nanomatériaux peuvent transporter un nombre de gènes encore jamais atteint. Ainsi, en 2004, des chercheurs ont réussi à transformer la couleur du riz thaïlandais de violet à vert. A la base, leurs recherches avaient pour but de développer un riz qui puisse pousser toute l’année, ave une tige courte, et une meilleur couleur.
Nouveaux risques sanitaires (pour les travailleurs de nanos, les consommateurs, les citoyens)
Les défenses du corps humain sont moins efficaces pour évacuer les nanoparticules que les plus grosses particules de nos poumons, estomacs, et autres organes. Les nanoparticules sont en effet bien plus adhésives, et ont donc plus de facilité à s’ancrer dans nos cellules et tissus. Or, les recherches sur le dioxyde de titane, par exemple, ont montré que s’il est inoffensif à grande échelle, il provoque de grosses lésions sur les foies et reins des souris à nano-échelle.
N’étant pas dégradables dans nos corps, l’ingestion accumulée de nanoparticules conduit à une grosse concentration... et donc à l’apparition certaine de « nano-pathologies ». Mais pour connaître les réels risques, il faudrait que les chercheurs aient les moyens d’engager des recherches à long terme.
Ainsi, la toxicité reste encore méconnue : on ne sait toujours pas quels niveaux d’exposition pourraient nuire à notre santé, alors même que plusieurs centaines de nonofood sont déjà en vente ! Cette connaissance est d’autant plus urgente pour les travailleurs qui manipulent ces nanomatériaux. On arrive également à des aberrations nutritives : on trouve sur le marché des produits nano-formulés à la vitamine E, qui délivrent 10 fois la dose quotidienne conseillée !
On peut imaginer que ces nanofood vont devenir un facteur aggravant de la réduction de consommation de fruits et légumes : on va pouvoir ingérer des produits qui nous fournissent « les besoins quotidiens en vitamines, fibres,... ». Cela va donc accélérer la chute des petits producteurs, pour favoriser les mastodontes de l’agroalimentaire. Les emballages à nanoparticules sont, eux, présentés comme délivrant une plus grande sécurité alimentaire, en détectant ou éliminant les bactéries et toxines de la nourriture. Mais ils ouvrent surtout de nouveaux risques : question du recyclage, du passage de ces nanoparticules dans la nourriture,... Ainsi, des antibactériens puissants, comme les nanoparticules d’argent, peuvent interférer avec des bactéries bénéfiques de nos corps et de notre environnement... pour ainsi développer des bactéries nouvelles encore plus nuisibles.
Nanomatériaux et applications les plus courantes
| Taille et description
| Preuves expérimentales de toxicité
| Dioxyde de titane :
| 20nm
| Destruction de l'ADN (in vitro ; Donaldson et al. 1996)
| * en petite microparticule, est largement utilisée comme additif alimentaire.
| 30nm
| Mutations dans les cellules cérébrales (in vitro; Long et al. 2006)
| * en nanoparticule, utilisée également comme antimicrobien UV protecteur dans les emballages et conteneurs de stockages
| Nanoparticule, taille inconnue
| Dommages génétiques sur les cellules de peau avec une exposition aux UV (in vitro; Dunford et al. 1997)
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| 25nm, 80nm, 155nm
| Dommages sur les reins et le foie des souris femelles. (in vivo; Sayers et al. 2006)
| Argent:
| 15nm
| Grande toxicité sur les cellules souches de la lignée germinale des souris (in vitro; Baydich-Stolle et al. 2005)
| utilisé comme antimicrobien dans les emballages, les conteneurs de stockage, les frigos, les planches à découper ; également vendu comme complément alimentaire
| 15nm à 100nm
| Grande toxicité sur les cellules des foies de rats (in vitro; Husseil et al. 2005)
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| 15nm, forme ionique
| Toxicité sur les cellules des cerveaux de rats (in vitro; Hussein et al. 2006)
| Zinc et oxyde de zinc :
| 20nm, 120nm de poudre d'oxyde de zinc
| Dommages sur les foies, pancréas, cœurs des souris (in vivo; Wang et al. 2007a)
| vendu come additif nutritionnel, et utilisé comme antimicrobien dans les emballages
| 19nm d'oxyde de zinc
| Toxicité sur les cellules humaines et de rats, même sur de très basses concentrations (in vitro; Brunner et al. 2006)
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| 58±16nm, 1.08±0.25µm poudre de zinc
| Graves symptômes de léthargies, diarrhées et vomissements sur les souris. Plus la taille des nanoparticules est petite, plus les dommages sont importants ; mort de 2 souris. (in vivo; Wang et al. 2006)
| Dioxyde de silicone (idem)
| 50nm, 70nm, 0.2µm, 0.5µm, 1µm, 5µm
| Formation de protéines ; inhibition de la croissance des cellules ; désordres neurodégénératifs (in vitro; Chen et Von Mickecz 2005)
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IV Nouveaux risques environnementaux
La toxicité envers les petits animaux n’a pas du tout été pensée ; or, les vers de terre par exemple, sont des formidables espèces pour disséminer, par leurs cadavres et leurs excréments, des nutriments dans l’environnement (la terre, mais aussi l’eau !). Il en sera donc de même avec les nanoparticules.
Les recherches et manipulations génétiques vont vers la production de plantes bien spécifiques. On va donc aller vers une aggravation de la réduction de la biodiversité.
Les nano-senseurs des emballages devraient inciter les industriels à augmenter les emballages individuels, des fruits et légumes,...
Les nanotechnologies dans l’agroalimentaire vont conduire à accroître l’empreinte écologique globale :
les nano-emballages vont encourager les industriels à transporter la nourriture sur des grandes distances, puisque leur « durée de vie » sous conditionnement est allongée ;
si la consommation de nano-food conduit à la réduction de consommation de fruits et légumes, pour une nourriture plus industrielle (mais nano-additivée), cela va augmenter la demande d’énergie associée à la production de produits alimentaires.
V Choisir une manière de produire et consommer durable, vite Pour les partisans des nanofood, ces dernières vont être la solution à la faim dans le monde... Mais il y a assez de nourriture pour tout le monde : le problème n’est pas là ! La distribution et la vente des produits alimentaires sont toujours concentrés entre les mains de quelques grosses compagnies, qui exercent une influence gigantesque sur l’offre de produits, les plantes qui ont le droit de pousser, où, et à quel prix. Les nanotechnologies apparaissent plutôt comme le moyen d’augmenter la part détenue par ces grandes firmes de l’agroalimentaire... En effet, elles vont surtout mettre une nouvelle pression à la globalisation et concentration de chaque secteur du système alimentaire mondial. Elles vont aussi conduire à la production à plus grande échelle, de plantes toujours plus uniformes, et non adaptées aux sols ni climats spécifiques... De plus, leurs risques de toxicité risquent d’affaiblir des sols déjà fatigués. Les pesticides et herbicides encapsulés vont permettre aux plantes d’être toujours plus grandes et grosses, en utilisant de moins en moins de travailleurs. Ces avantages compétitifs vont contribuer à affaiblir les petits producteurs.
Enfin, les nanos vont détruire la possibilité des populations locales de contrôler leurs productions locales... Le droit à la souveraineté alimentaire est de plus en plus mis en danger.
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