A la recherche d'un modèle ou deux de surhomme: le gladiateur combattant et l'hercule farnese
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NOTES(1)- La préface du livre est datée Limoges le ler Mai 1888. A cette époque, Lagrange est entièrement tourné vers le plein air et l'hygiène par l'exercice physique. Son livre est le fruit d'une expérience personnelle et d'une formation positive, qui à la suite des travaux de CI. Bernard et plus particulièrement de Marey l'a conduit à l'analyse de la fatigue du rameur qu'il est devenu. Ici Lagrange fait un bilan de physiologiste plus que d'hygiéniste, ce qui ne l'empêche pas de prendre position sur les différents exercices et leurs effets hygiéniques. A cette époque il est grand défenseur des sports de plein air, il deviendra plus tard un spécialiste de la mécanothérapie s'occupant alternativement &une clientèle de cure à Vichy et d'une clientèle parisienne au Gymnase Zander de Paris. Citation p. 288. (2)- Il faut préciser que Lagrange n'est pas hostile aux exercices de force, à la gymnastique athlétique, à condition d'éviter les risques locaux et l'effort physiologique qui les accompagnent. Il apprendra plus tard chez Desbonnet que ces exercices peuvent se faire sans blocage respiratoire, mais en 1888, la force qui s'exprime surtout dans la lutte, et la discrédite du même coup, est devenue secondaire. Les exercices de vitesse qui exigent la répétition, se caractérisent par une série d'efforts modérés et souvent répétés et "permettent &exécuter en peu de temps un travail considérable... " (p. 221) La relation est nette- l'exercice de "vitesse" est préféré parce qu7il permet d'effectuer un plus grand travail avec peu de fatigue et peu de risques physiologiques. (3)- Lagrange fera partie de la Commission de Réforme instituée le 18 octobre 1887. Il faut noter que les militaires seront cette fois minoritaires, les médecins en plus grand nombre. Ce sont là les conséquences de la campagne des hygiénistes en 1887 en faveur des exercices physiques. (4)- En 1901, chez Demeny, l'hercule de foire est dénigré et la brutalité athlétique est considérée comme incompatible avec la puissance intellectuelle et morale qui sont les vraies forces utiles de l'époque. Citation p. 195. (5)- A ce propos, voir: - G. Andrieu: L'homme et la force, Paris, Bazina, 1987. - G. Andrieu: La Culture Physique, Nanterre, Centre de Recherche SRAPS de Paris X, 1987. - G. Andrieu : Force et beauté, Histoire de l'esthétique en éducation. Les discours et les photographies convergent vers une beauté antique retrouvée dans un travail méthodique des masses musculaires. L’œuvre d'Ed. Desbonnet, de Rouhet, de Cheville, de Ruffier, de Pagès, des témoignages, des démonstrations en faveur de la force, une force d'hercule adolescent qui n'ira pas jusquà l'hercule adulte, objet de la critique à travers celle des athlètes anglais et américains. (6)- H.I. Marrou nous aide à retrouver la différence dans son Histoire de l'éducation dans l'antiquité et nous mesurons combien l’Hercule s'inscrit dans le cadre d'une éducation classique où la gymnastique est presque devenue une science. A cette étude assez large, il faut ajouter des études plus pointues: celle de Jean Delorme sur le gymnase grec, celle de Jérôme Carcopino sur la vie quotidienne à Rome à l'époque de l'empire. De cet ensemble, nous retiendrons deux attitudes différentes face à l'entretien du corps: la sublimation de la force était possible en Grèce, l'anoblissement du combat et de l'idéal collectif l'était à Rome à l'époque des guerres Puniques. D'une certaine façon, on pourrait dire que l’Hercule Farnèse est une sorte de héros homérique, tandis que le Gladiateur Combattant est un simple soldat comme il y en avait tant à Rome, avant l'ère chrétienne. (7)- Pour comprendre ce changement, il faut survoler l'histoire des hommes phénomènes, des monstres, de la force musculaire comme nous l'avons fait dans L'homme et la force. Il faut approfondir les études scientifiques qui conduisent à la naissance de la tératologie avec les frères Geoffroy Saint Hilaire. Il faut aussi et surtout tenir compte de la cassure que représente la fin du Romantisme et le début de la médecine expérimentale. (8)- Dans Les troupeaux de l'aurore Jean Lerède nous dit très clairement ce qui a pu se passer: "Les mythes indiquent les solutions vitalement sensées aux problèmes que pose à l'être humain l'adaptation à sa condition sur le plan du vécu intérieur comme sur celui de ses rapports avec ses semblables et avec l'environnement". (p. 46). Il ajoute: "Mythes et images symboliques ne se contentent pas d'illustrer, de dévoiler et &indiquer. Ce sont aussi des médias programmés et des transformateurs d'énergie psychique extraordinairement puissante. (. 47), et conclut: "Mythes et symboles ont en définitive une quintuple fonction: pédagogique, thérapeutique, organisatrice, régulatrice et évolutive". (p. 48) (9)- La ressemblance entre le texte de Nietzsche et la philosophie Hindouiste ou bouddhiste demanderait à être confirmée par une approche plus rigoureuse. Toutefois, nous avons perçu un pont entre les démarches qui sera repris par M. M. Davy de nos jours, par exemple. Dans chaque cas, l'homme est seul, il doit faire le chemin qui le conduit vers son dieu personnel et ce n'est qu'après l'avoir trouvé qu'il peut connaître une nouvelle résonance avec le monde qui l'entoure. Si le combat est difficile, Nietzsche précise "sans poudre", il est permanent et s'inscrit dans un passage éphémère de l'homme sur terre. Dans la Gîta, Arjuna lutte contre la morale établie aidé par Krishna, dieu incarné. Cette lutte le conduira sur le chemin de la vérité. Dans ses commentaires sur la Gîta, Sri Aurobindo nous dit en guise de conclusion: "L'action n'existe pas seulement pour ses fruits apparents, extérieurs, dans le présent ou dans l'avenir; elle a un sens, et c’est la découverte de soi, l'accomplissement de soi, la réalisation de soi... La loi d'action suprême, la loi la plus vaste, sans défaut, n'est donc pas de suivre une nome, un dharma extérieur: elle est de découvrir la vérité de votre propre existence la plus haute et la plus profonde, et de vivre en elle". (p. 392) (10)- L'étude de la tuberculose et de sa thérapie suffit à montrer que ce n'est pas l'individu qui est soigné mais le capital qu'il représente. (11)- Il serait bon de relier cette citation avec le mythe de Narcisse que l'on jette en pleine figure, un peu trop vite, aux hercules modernes. Narcisse insatisfait à l'extrême ne meurt pas de noyade, mais d'amour pour la beauté divine qu7il finit par apercevoir dans son image. Comme Hercule se dépassant par l'épreuve du feu, Narcisse se dépasse par l'épreuve de l'eau: la mort est un symbole auquel il faut associer une renaissance dans la perfection. (12)- Ici retenons une nuance qui nous éclaire sur la différence entre l'Antiquité et la fin XIXème siècle, R. Huyghe écrit dans Les puissances de l'image: "Dans l'art, l'image est choc, un choc qui réveille la conscience de chacun, exige l'acuité de son attention pour être pénétrée, appréciée et jugée. Son contenu n'est partagé par le spectateur que s'il a réussi à tendre sa sensibilité jusqu'au niveau d'exaltation de lui-même qui est nécessaire..." (p. 9) Or, si la statue d'Hercule était capable de réveiller la conscience des athlètes sous le règne d'Alexandre, il ne semble pas que la reproduction dans les manuels d'une photographie d'Hercule ou du Gladiateur puisse avoir la même puissance d'éveil et de suggestion. L'image du gladiateur reste une image de livre d'histoire, de physiologie ou de manuel et seul le discours qu'elle illustre semble avoir un sens et une force de persuasion. L'homme de la fin du 19ème et du 20ème siècle est un homme qui subit la suggestion sociale, bien plus qu'il ne tend sa sensibilité jusqu'à l'exaltation. Sous hypnose quasi permanente, il devient le jouet des mythes modernes qui ne sont que des projections savantes d'idéaux privés d'inconscient collectif. La convergence des choix scientifiques, économiques, politiques, esthétiques ne peut élever le gladiateur combattant au rang de mythe que parce que la société à laquelle il est proposé est subjuguée par les changements qu'elle produit. (13)- Sur le plan scolaire, les Instructions Officielles, rédigées en 1967 dans le contexte de la Vème République et de ses efforts en faveur du sport, sont à leur façon le produit ou le soutien du mythe du Gladiateur Combattant. En choisissant de promouvoir la compétition et le travail acharné qu'elle exige, en associant la compétition et le dépassement permanent de soi à la notion de progrès, elles participent au maintien de la vieille norme républicaine qui s'appuie sur l'effort, la force utile et le don de soi à la société. De Durkheim à Bourdieu, la reproduction du citoyen modèle est le fait de l'école et, sur le plan physique, le renforcement des corps dans le respect de la règle écrite à l'aide du sport est un atout puissant. La démagogie, qui s'est installée après 1968 et qui soutient l'absence de sélection, ne saurait remettre en cause la finalité première de l'école et c'est en dehors d'elle que les plus courageux cherchent un nouveau sens au progrès. (14)- En 1980, le Dr. Bensabat a dirigé un congrès international sur le stress, auquel assistait H. Selye le créateur du mot en 1936. Il est mis nettement en évidence dans les actes de ce congrès que le sport est stressant et nécessite une haute surveillance médicale &une part, que les pratiques permettant de lutter contre le stress sont en majeure partie dérivée du hatha-yoga et des exercices de respiration qui l'accompagnent d'autre part. La respiration abdominale propre au hatha-yoga, le travail lent et doux, le contrôle de l'agitation et des ondes cérébrales, l'attention portée sur l'instant présent, l'effort d'intériorisation et l'absence de modèle sont des éléments que nous retrouvons dans le training autogène de Schultz, le bio feedback, la sophrologie... Toutes ces méthodes sont issues directement du hatha-yoga ou des études qui ont porté sur lui et dont Th. Brosse fut une des instigatrices dès 1936. A cela, il serait possible d'ajouter la longue liste des traumatismes sportifs qui, loin &entraîner le perfectionnement de l'être humain, le conduisent souvent à considérer son corps comme un moteur qu7il est de plus en plus difficile de réparer. Les Kinésithérapeutes sont idéalement placés pour observer de tels méfaits et il est regrettable que les professeurs d'éducation physique soient essentiellement formés pour enseigner l'efficience motrice. |
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